la légende de Śāntideva

22
LA Lt~GENDE DE ~ANTIDEVA* par J. W. DE~JONG Canberra L'ouvrage que Mile Amalia Pezzali a consacr~ ~t ~gntideva est divis6 en deux parties: I. La vie et les oeuvres; II. La pens6e. Comme le relive M. Olivier Lacombe dans sa pr6face le travail de Mile Pezzali s'attache ~t synth&iser les connaissances critiques acquises par la bouddhologie sur la vie, les oeuvres et la doctrine de ~ntideva. Des travaux de ce genre peuvent ~tre tr~s utiles, m~me si l'auteur n'apporte rien de neuf, ~t con- dition que l'information donn6e soit exacte et complete. Malheureusement, l'ouvrage pr6sent est loin de remplir ces deux conditions essentielles pour un travail de synthSse. On y trouve non seulement maintes inexactitudes, fautes d'impression, de lecture du sanskrit et du tib6tain, etc., mais aussi des lacunes s6rieuses dans l'information. Nous n'avons nullement l'inten- tion de signaler toutes les erreurs dent ce livre fourmille. 1 Le lecteur averti sera capable de faire lui-m~me les corrections n6cessaires. I1 nous a paru utile d'examiner les documents concernant la vie de ~fintideva que Mile Pezzali a r6unis dans le premier chapitre de la premiere partie de son ouvrage (pp. 3-45). La vie ou plutbt la 16gende de ggntideva nous est racont6e par trois historiens tib6tains: Bu-ston (1290-1364), Tfiran~tha (1575- ?) et Sum-pa mkhan-po (1704-1788). 2 L'ouvrage de Bu-ston, "Histoire du bouddhis- * A propos de AmalJa Pezzali, ~antideva, mystique bouddhiste des VIIe et VIIIe siOcles, Firenze, Vallecehi Editore, 1968. USA $7.80. 1 I1 faudrait commencer par les abr6viations (page XIII). Le catalogue de Cordier n'est pas en trois volumes mais en deux. I1 faut eorriger Hiuan-tsang en Hiouen- thsang et Stanislaus en Stanislas. La Prasannapad~ ne fut pas publi6e en 1913 mais de 1903 h 1913. Mile Pezzali fait mourir Tftranfitha en 1608 et Sum-pa mldaan-po en 1777. T~ran~- tha a 6crit son "Histoire du Bouddhisme en Inde" en 1608 /t l'fige de 34 ans (ef. Tdrandtha's Geschichte des Buddhismus in lndien. Aus dem tibetisehen uebersetzt yon Anton Schiefnor, St. Petersburg, 1869, p. VI). La date de sa mort semble ~tre inconnue. Sum-pa mldaan-po est mol-ten 1788 (cf. J. W. de Jong, "Sum-pa mkhan-po [1704-1788] and his works", HJAS, 27 (1967), p. 209).

Upload: j-w-de-jong

Post on 06-Jul-2016

222 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

LA Lt~GENDE DE ~ANTIDEVA*

par J. W. DE~JONG

Canberra

L'ouvrage que Mile Amalia Pezzali a consacr~ ~t ~gntideva est divis6 en

deux parties: I. La vie et les oeuvres; II. La pens6e. Comme le relive

M. Olivier Lacombe dans sa pr6face le travail de Mile Pezzali s 'attache ~t

synth&iser les connaissances critiques acquises par la bouddhologie sur

la vie, les oeuvres et la doctrine de ~n t ideva . Des travaux de ce genre

peuvent ~tre tr~s utiles, m~me si l 'auteur n 'apporte rien de neuf, ~t con-

dition que l ' information donn6e soit exacte et complete. Malheureusement,

l 'ouvrage pr6sent est loin de remplir ces deux conditions essentielles pour

un travail de synthSse. On y trouve non seulement maintes inexactitudes,

fautes d'impression, de lecture du sanskrit et du tib6tain, etc., mais aussi

des lacunes s6rieuses dans l ' information. Nous n 'avons nullement l 'inten-

tion de signaler toutes les erreurs dent ce livre fourmille. 1 Le lecteur

averti sera capable de faire lui-m~me les corrections n6cessaires. I1 nous a paru utile d 'examiner les documents concernant la vie de ~fintideva que

Mile Pezzali a r6unis dans le premier chapitre de la premiere partie de son

ouvrage (pp. 3-45).

La vie ou plutbt la 16gende de ggntideva nous est racont6e par trois historiens tib6tains: Bu-ston (1290-1364), Tfiran~tha (1575- ?) et Sum-pa

mkhan-po (1704-1788). 2 L 'ouvrage de Bu-ston, "Histoire du bouddhis-

* A propos de AmalJa Pezzali, ~antideva, mystique bouddhiste des VIIe et VIIIe siOcles, Firenze, Vallecehi Editore, 1968. USA $7.80. 1 I1 faudrait commencer par les abr6viations (page XIII). Le catalogue de Cordier n'est pas en trois volumes mais en deux. I1 faut eorriger Hiuan-tsang en Hiouen- thsang et Stanislaus en Stanislas. La Prasannapad~ ne fut pas publi6e en 1913 mais de 1903 h 1913.

Mile Pezzali fait mourir Tftranfitha en 1608 et Sum-pa mldaan-po en 1777. T~ran~- tha a 6crit son "Histoire du Bouddhisme en Inde" en 1608 /t l'fige de 34 ans (ef. Tdrandtha's Geschichte des Buddhismus in lndien. Aus dem tibetisehen uebersetzt yon Anton Schiefnor, St. Petersburg, 1869, p. VI). La date de sa mort semble ~tre inconnue. Sum-pa mldaan-po est mol-t en 1788 (cf. J. W. de Jong, "Sum-pa mkhan-po [1704-1788] and his works", HJAS, 27 (1967), p. 209).

162 J .w. DE JONG

me" (chos-'byufi), fut 6crit en 1322-1323. 8 Le passage de son ouvrage, relatif ~t S~ntideva, fut traduit par Obermiller: Bu-ston, History of Buddhism, II. Part (Heidelberg, 1932), pp. 161-166. Dans l'6dition, utilis6e par Obermiller, ce passage occupe les feuillets 126b-128b. Dans l'introduction ~t la premiere pattie Stcherbatsky 6crit que la traduction est faite d'apr~s un vieux xylographe (Heidelberg, 1931), p. 4. Le texte tib6tain que Mile Pezzali reproduit a la marne pagination que celle traduite par Obermiller. I1 doit s'agir de l'6dition de Bkra-gis lhun-po d6crite par M. Yamaguchi Zuih6 car on retrouve dans la traduction d'Obermiller la mame pagination pour les trois premiers chapitres (la traduction s'arr&e avant la fin du quatri~me chapitre). 4 Cette 6dition qui contient 244 feuil- lets a 6t6 d6crite aussi par Sakai Shir6 et par A. I. Vostrikov. a M. Yama- guchi d6crit deux autres 6ditions du Chos-'byufi: l'une en 190 feuillets (sans indication de lieu de publication) et l'autre, celle de Derge en 203 feuillets. ~ I1 y a encore une autre 6dition du Chos-'byufi qui fait partie du Gsufi-'bum publi6 en 28 volumes ~t Lhasa en 1921. 7 Le Chos-'byufi occupe 212 feuillets dans le volume Ya. 8 La pagination des six chapitres est la suivante: I. ft. 1-2b7; II. ft. 2b7-34b6; III. IT. 34b6-122b5, IV. ft. 122b6-143a4; V. ft. 143a5-210al; VI. ft. 210al-212al. L'histoire de ~nt ideva se trouve aux feuillets 113b3-115b3. Au lieu de faire une ~dition critique de ce passage ~t l'aide des quatre 6ditions, signal6es ci-dessus, Mile Pezzali s'est content6e de reproduire le texte d'une seule 6dition. L'utilit6 de l'6dition de ces feuillets est diminu6e par le fait que le texte reproduit comporte plusieurs fautes de lectures comme on peut le con- stater aisdment sans avoir recours au xylographe. 9 La traduction suit de pr6s celle d'Obermiller qui est excellente. Mile Pezzali en copie les rares

3 Cf. R. A. Stein, Recherches sur l'dpop~e et le barde au Tibet (Paris, 1959) p. 33. 4 Catalogue o f the Toyo Bunko Collection o f Tibetan Works on History, edited by Zuih6 Yamaguehi, (Tokyo 1970), p. 95. 5 Sakai Shir6, "Kaz6 Chibetto-z6-gai butten no oboegaki", Nihon chibetto gakkai kaiha, No. 3 (1956), p. 1 ; A. I. Vostrikov, Tibetskaja istori~eskaja literatura (Moskva, 1962), pp. 91 and 257. 6 Op. cit., pp. 94-96. L'6dition en 190 feuillets fut utilis6e par H. Hoffmann (cf. Quellen zur Geschichte tier tibetischen Bon-Religion, (Wiesbaden, 1950), p. 272). Pour l'6dition de Derge voir aussi Stein, toe. cir. et Lokesh Chandra, "Les imprimeries tib6taines de Drepung, Derge et Pepung", JA (1961), p. 511, no. 68. 7 Cf. D. S. Ruegg, The Life o fBu ston rin po che (Roma, 1966), pp. 41-42, n. 3. 8 Catalogue o f the Tohoku University Collection o f Tibetan Works on Buddhism (Sendai, 1953), p. 72, no. 5197. Les 28 volumes out &6 r6imprim6s par l 'International Academy of Indian Culture. Volume Ya a paru en 1971. Je dois /t l 'amabilit6 du professeur Lokesh Chandra un tir6-~t-part de ce volume contenant le texte complet du Chos-'byu~. 9 F. 126b3 bltams ~as, life bltams has; 126b5 bras has, lire bros nas; 126b6 rab-tu

LA LgGENDE DE ~ANTIDEVA 163

erreurs3 ~ Selon cette recension de la 16gende, Shntideva naquit dans le

Sud comme ills du roi Kalyhn.avarman du Sur~.s.tra. 1~ I1 fut appel6

S~ntivarman.

L 'ouvrage de T~ran~tha rut 6dit6 et traduit par An ton SchiefnerY

Mile Pezzali reproduit le texte de Schiefner, en y appor tant quelques

er reursY L'6dit ion de Schiefner repose sur quatre manuscrits. Mile

Pezzali n ' a consult6 aucune ~dition tib6taine34 Dans sa t raduct ion elle a

essay6 d'am61iorer celle de Schiefner mais sans grand succ~s. ~5 Le troi-

si~me texte, reproduit par Mlle Pezzali, est emprunt6 ~t l '6dition du

Dpag-bsam ljon-bzafl par S. C. Das. L'~dition de Das est presque inutili-

sable h cause du grand nombre de fautes d' impression. Dans ce cas il

aurait 6t6 absolument n6cessaire de consulter le xylographe sur lequel

M. R. A. Stein a donn6 des renseignements36 Ajoutons que l 'ouvrage de

Sum-pa mkhan-po date de 1748. C o m m e le dit Mile Pezzali Sum-pa

mkhan-po n 'a joute rien de neuf en ce qui concerne S~ntideva.

Le dernier document , pr6sent6 par Mile Pezzali, est un manuscri t

n6palais que Harapras~d S~stri a signal6 pour la premibre fois dans un

article sur ~ n t i d e v a Y Ensuite, il a d6crit le manuscri t et a reproduit le

byug ba'i byafi, 1ire rab tu byufi ba'i bya ba; 127a6 po ma ~es pa, life go ma ~es pa; 127b4 lhttfi bzed gad, 1ire lhug bzed gag; 127b5 bru ba chabs nen te, life bru ba cha has nen te; 128a3 khru dam and 'khru dam, lire 'khrud ma. 10 Ainsi f. 127a5 rjogs-par bton-te g~egs-so "il termina ainsi la r6citation et il r6appa- rut". Obermiller, p. 163: "And, after the recitation was completed, he appeared again". I1 faut 6videmment traduire: "Aprbs avoir r6cit6 [le texte] compl6tement, il s'en alla". 11 Mlle Pezzali traduit: "Dans la r6gion m6ridionale de Sur~t.s.tra". Obermiller a: "In the southern country, of Saurh.s.tra". Le texte dit qu'il naquit eomme le ills, appel6 ~ntivarman, du roi, appel6 Kaly~n. avarman, du Sur~.stra dans le Sud. lz Cf. ci-dessus note 2; Tdrandthae de doctrinae buddhicae in India propagatione narratio. Contextem Tibeticum e codicibus Petropolitanis edidit Antonius Schiefner. Petropoli, 1868. Texte et traduction furent r6imprim6s en 1963 ~ Tokyo par la Suzuki Research Foundation. 18 P. 126,1.11 sdon, 1ire sfion; p. 128, 1.5 dge slon, lire dge slog; p. 128, 1.10 rtags por, lire rtags bor; p. 128,1.20 yin n'ag, lire yin na'ag; p. 128,1.21 yul gaff in, lire yul gaff yin. 14 Pour une 6dition, imprim6e/t Derge, voir Stein, op. cit., p. 41 et Lokesh Chandra, JA (1961), p. 509, no. 36. 15 Voir p. 126, 11.10-11 (yi-dam-gyi phyag-mehan ~if-gi ral-gri g~ig '~hag-gin yod), p. 126, 1.15 (gnod-kyaff sla-yi; sla = bla, cf. Bu-ston f. 128al), etc. A un seul endroit Mile Pezzali am61iore la traduction de Schiefner dans une certaine mesure: p. 126, 1.13 ral-gri yag gig las reed-do "son 6p~e, qui est en bois, est inutile". Schiefner (p. 164): "sein Schwert nicht von Holz sei". I1 faut traduire: "son ~p6e n'est rien d'autre que du bois'. Pour la valeur de las suivi d'une n6gation voir le dictionnaire de J~ischke, p. 546b; Michael Hahn, Lehrbuch der klassischen tibetischen Schrifisprache (Hamburg, 1971), p. 97. 16 Cf. JA, 1952, pp. 91-92; J. W. de Jong, op. cit., p. 210. 17 "S~ntideva", lndian Antiquary, XLII (1913), pp. 49-52. Mlle Pezzafi indique vol. XIII mais voir Winternitz, A History of Indian Literature, vol. 2 (Calcutta, 1933), p. 366,

164 J .w. DE JONG

texte dans le premier volume du catalogue des manuscrits sanskrits du gouvernement du Bengale. is D'apr~s Haraprasfid Sfistri l'6criture est la Newari du 14e si~cle. Le texte est assez corrompu. Les corrections, propos6es par Harapras~d ~fistri, se limitent h l'addition de deux syllabes et d'un visarga. 19 Mile Pezzali reproduit le texte tel qu'il a 6t6 publi6 en devanfigari en caract~res romains en ajoutant des fautes d'impression et de lecture. Elle signale en note quelques corrections dont une seule est valable (lire antarik.sagatah, pour antarik.sagata.h). Des corrections 6viden- tes n'ont pas 6t6 indiqu6es. Par exemple: il faut corriger matuvade~a~n en maturadega.m (atah. sa m~tur ~de~a.m ~irasi nidhfiya ...). Mlle Pezzali traduit: "Alors, lui, acceptant respectueusement le conseil de sa m~re", mais ne mentionne pas que cette traduction implique la correction de mdtuv en mdtur.

Ni Haraprasfid g~stri ni Mlle Pezzali n'ont signals le fait que le Tanjur tib6tain contient un texte qui est tr~s proche du texte sanskrit qu'ils out publi6. Ce texte tib6tain se trouve au d6but d'un commentaire du Bodhi- cary~vat~ra 6crit par Vibhfiticandra: Byafa-chub-kyi spyod-pa la 'jug-pa'i dgofls-pa'i 'grel-pa khyad-par gsal-byed ces-bya-ba = Bodhicary~vatfira- tAtparyapaSjikfi vigesadyotani n~ma. ~~ Dans un article sur les commen- taires du Bodhicary~vat~ra Ejima Yasunari signale cette biographie de g~ntideva et ajoute que, si VibhClticandra enest l'auteur, elle est ant6ri- eure au texte publi6 par Harapras~d g~stri. 2~ Selon M. Ejima le commen- taire de Vibhfiticandra date de la seconde moiti6 du douzi~me si~cle ou du d6but du treizi~me si~cle. M. Ejima n'a pas tenu compte du fait que le manuscrit date du quatorzi~me si~cle (si l'on accepte la datation de Harapras~d ~fistri) mais que le texte m6me peut ~tre beaucoup plus ancien. I1 est 6vident que M. Ejima n'a pas compar6 les textes sanskrit et tib6tain car, dans ce cas, il aurait vu que le texte tib6tain doit remonter au m~me texte original que le texte sanskrit. Les dates exactes de Vibhfiti- candra ne sont pas connues. Les historiens tib6tains racontent qu'il est

n. 1. Je n'ai pas pu consulter cet article. xs A descriptive Catalogue of Sanskrit Manuscripts in the Government Collection under the care of the Asiatic Society of Bengal, voh I (Calcutta, 1917), no. 52 (pp. 51-53) MS. 9990. 19 Cf. ci-dessous sections VI, VIII et XV du texte sanskrit. ~0 CL P. Cordier, Catalogue du fonds tibgtain de la BibliothOque nationale, III (Paris, 1915), p. 310 (Mdo-'grel XXVII.8). Pour le texte tib6tain voir l'6dition de P6kin, Dhu-ma, ~a ft. 229b6-231b5 = The Tibetan Tripitaka. Peking edition. Edited by Daisetz T. Suzuki, vol. 100 (Tokyo-Kyoto 1957), p. 236,1.6- 5.5. Je u'ai pas pu consulter d'autres 6ditions du Tanjur. ~i Ejima Yasunori, "Nyabodaigy6ron no chfishaku bunken ni tsuite", Indogaku bukkySgaku kenkya, XIV (1966), p. 646.

LA LI~GENDE DE ~.g.NTIDEVA 165

arriv6 au Tibet en 1204. I1 fut un des neufs jeunes pandits qui accompa- gnaient ~akyaw ~ D'aprbs plusieurs colophons d'ouvrages, traduits par Vibhraticandra, il 6tait originaire de Jagaddala dans l'Inde orientale33 C'est aussi ~t Jagaddala que ~kya~ribhadra r6sidait avant de partir pour le Tibet. 2. Le colophon du commentaire de Vibh~ticandra mentionne aussi le nora de ~kya~ribhadra: slob-dpon 'phags-pa dpal s lha'i s kyi)mdzad-pa byafl-chub sems-dpa'i spyod-pa la 'jug-pa'i dgofls-pa 'grel-pa khyad-par gsal-byed ces bya-ba rig-pa'i 'byufl-gnas dbus-'gyur-gyi ~ar-phyogs pa-rendrar rgyal-rigs las 'khrul~s- ~ifl / sa-bcu'i dba~-phyug rje-btsun 'jam-pa'i dbyafls-kyis rjes-su bzufl-ba / rig-pa'i gnas rnam-pa lfla la mkhas-~ifl tshul-khrims dri-ma med-pa'i brgyan-gyis spras-pa / rim-pa g~is-kyi don-la rgyud legs-par sbyafls-pas lam-gyi rtogs-pa gofl-nas gofl-du cher (xyl. char)- 'phel-ba/rtsod-pa' i dus-kyi (343a) thams-cad mkhyen-pa gfiis-par grags-pa / ma-'ofis-pa'i safls-rgyas kha-che'i pa.n.di-ta chen-po bsod-sfioms-pa ~-kya-~ri-bha-dra la sogs-pa pa.n-grub du-ma'i legs-b~ad-kyis / thugs-kyi bum-pa legs-par bltams-pas phyogs phyi-nafl-gi theg-pa ma-lus-pa la mfla' brfied-~ifl / sgra daft tshad-ma'i mig-gis ~es-bya'i de-fiid gzigs-pa / rg3,a-gar ~ar-phyogs dza-ga-ta-la bi-ha-ra'i pa~.a.di-ta chen-po ~ri-mi(sic!)-bh~-ti-tsandras mdzad-pa rdzogs-so: "Fin du Khyad-par gsal-byed (Vi~e.sadyotani), com- mentaire [expliquant] le sens (tatparyapagjika) du Bodhicary~vatara, ouvrage du noble ~ri~ntidevap~da. Le commentaire est 6crit par Vibhf~ticandra, pa.n.dita du vihhra Jagaddala dans l'Inde orientale, n6 de la famille royale de Varendra, r6gion orientale du pays du Milieu ~, source de connaissances, h i , qui a re~u la grace du v6n6rable Mafijugho.sa, le seigneur des dix terres, qui est expert duns les cinq sortes de connais- sances (vidyasthana), qui est orn6 par l 'ornement de la bonne conduite immacul6e, qui, l'esprit bien exerc6 duns les deux sortes de buts (svdrtha

2~ CT. Bu-ston, op. c#., II, p. 222; The Blue Annals, transl, by George N. Roerich, II (Calcutta, 1953), p. 600 et pp. 1063-1064. Selon ce demier texte, ~fikya~ribhadra a v6cu de 1127 ~t 1225, mais, selon d'autres sources, il aurait v6cu de 1140 ~t 1238 ou de 1145 1243, of. D. S. Ruegg, op. cit., pp. 42-43, n. 1. Sur les activit6s de ~kya~ribhadra au Tibet voir Hadano Hakuyfi, "K~w ~kya~ribhadra", Bunka, 21 (1957), pp. 676 (1)-656 (21). ~s Sur Jagaddala et sa location voir l'introduction de D. D. Kosambi au Subhar nakos.a (HOS, vol. 42) (Cambridge, Mass., 1957), p. xxxvii, n. 7. ~ Cf. The Blue Annals, II, p. 1066. 35 Le texte a dbus-'gyur-gyi gar-phyogs 'la r6gion orientale qui se trouve au milieu' (.9) ou 'la r6gion orientale de ce qui se trouve au milieu (i.e. rInde)' (9.). Cordier traduit dbus-'gyur par Magadha (op. cir., II, p.20), mais le texte a dbus-'gyur-tshal (Rgyud-'grel. vol. lqa, f. 241a4). Le dictionnaire tib6tain-mongol de Sumatiratna traduit dbus-'gyur- tshal par Enedkeg-an vadir-tu sayurin = Vajrasana (Bodbgay~t), cf. Sumatiratna, vol. II~ p. 300. D'habitude, dans les textes tib6tains, Magadha est translitt6r6: ma-ga-dha.

166 J .w. DE JONG

et parartha), a d6velopp6 de plus en plus la compr6hension du chemin (marg~dhigama), lui qui est connu comme le deuxi~me omniscient de l'6poque Kali, lui dont la cruche de l'esprit a 6t6 remplie par les bonnes paroles de plusieurs savants tels que le moine mendiant Shkyagrl-bhadra, le grand pan..dita du Kagmir, le Buddha de l'avenir, lui qui conna~t par- faitement tous les v6hicules aussi bien ceux des h6r6tiques que ceux des bouddhistes, lui qui voit la vraie nature du connaissable avec la parole et l'ceil de la connaissance."

Le colophon de ta Vige.sadyotani ne mentionne que le nom de Vibhfiti- eandra comme auteur et traducteur mais, tout au d6but du commentaire, Rnal-'byor zla-ba (Yogacandra?) est mentionn6 comme auteur: 'grel-pa mdzad-pa rnams-kyis kyafi// 'phags-pa'i dgofis-pa gsal-ma byas / /de ' i - phyir dgofis-pa'i 'grel-pa 'di / /rnal- 'byor zla-bas cufi-zad br i / / : "Les auteurs de commentaires n'ont pas 6lucid6 l'intention du v6n6rable. C'est pourquoi Rnal-'byor zla-ba a 6crit tant soit peu ce commentaire [qui explique] le sens (tOtparyapagjika). ''~6 Selon Cordier, Rnal-'byor zla-ba a traduit deux textes, l'un avec VibhQticandra et l'autre avec 'Jam-dpal g~on-nuY Le colophon du premier texte, la Gun.abhara.ni n~ma .sad.aft- gayogat.ippan.i, dit tout d'abord que le texte a 6t6 traduit par Vibhfiti- candra. Ensuite, tt la demande de Chos-grags dpal-bzati-po, Dpal-ldan Blo-gros brtan-pa de Dpafi a traduit et corrig6 le texte (bsgyur-cifi s chen grub-pa'o). Le colophon se termine ainsi: pan-chen mal-'byor-zla- ba'i rafl-'gyur la // phyed-tsam ma-bsgyur 'ol-phyir mdzad-pa las // blo-gros brtan-pas sgra-don ji-btin bsgyur. Ce passage est assez difficile t~ traduire. D'habitude, l'expression rat~-'gyur 'traduit par soi-m~me' s'em- ploie pour une traduction faite par l'auteur m~me. Ainsi, par exemple, Bu-ston dit du commentaire du Bodhicaryavat~ra par Vibh~ticandra: vi-bhu-ti-tsa-ndras mdzad-pa'i spyod-'jug-gi 'grel-pa de'i rafi-'gyur "Le commentaire du Bodhicary~_vat~ra, 6crit par VibhOticandra, et traduit par lui-m~me. ''~s Toutefois, on rencontre aussi l'expression sgra rah-'gyur qui semble d6signer une traduction faite oralement. Par exemple, le colophon du .Sad.aflgayoga (Cordier, II, p. 21: Rgyud-'grel IV.22) dit: dpal ~a-ba-ri-pa dbafi-phyug-gis pan.d.i-ta ma-h~-bi-bhfi-ti-tsa-ndra la gsufis-pa'o // des sgra rafl-'gyur-du bsgyur-nas gsufis-pa'o//"R6cit6 par Sri ~abarigvara au pan..dita Mah~vibhfiticandra. R6cit6 par lui apr~s l'avoir traduit en traduction orale". I1 se peut doric que l'expression

28 Tanjur, Dbu-ma, Sa f. 229b5-6. 37 P. Cordier, op. cit., II (Paris, 1909), p. 24 (Rgyud-'grel IV.34) et III (Paris, 1915), p. 397 (Mdo-'grel LII.2). 28 Chos-'byufl (6dition de Lhasa), f. 159a5-6.

LA LI~GENDE DE SANTIDEVA 167

rafi-'gyur soit une abr&iation pour sgra rafi-'gyur. Dans ce cas, la traduction, faite oralement par Rnal-'byor zla-ba, ne peut ~tre que la traduction de Vibhfiticandra. Ainsi Rnal-'byor zla-ba ne serait qu'un autre nom pour Vibh~ticandra. C'est aux futures recherches de d~montrer si cette hypoth~se est valable ou non.

Mlle Pezzali 6crit que des fragments de la Vige.sadyotani, appel6e Bodhicary~vatgra.tippan~, ont 6t6 conserv6s. 29 Elle ajoute que L. de La Vall6e Poussin s'en est servi pour son 6dition. 3~ Dans l'introduction ~ son ~dition de la Bodhicarygvat~rapafijik~ (Bibliotheca Indica, 1901-1914) de La Vall6e Poussin 6crit: "Some help has been found in a little tract, of which some fragments only are preserved, called Bodhicary~vat~ra.tippan~; this MS. was discovered in the Durbar Library at Kathmandu by Profes- sor Cecil Bendall and was copied for him. I refer to it as Tipp". De La Vall6e Poussin ne dit pas que cette t.ippani est identique ~ la Vige.sadyotani de Vibhflticandra. Je doute fort que Mlle Pezzali ait pu trouver ce renseignement dans le catalogue de la biblioth~que du Durbar par Harapras~d ~s t r i que je n'ai pas pu consulter. Probablement elle a emprunt6 cette information ~t l'introduction de P. L. Vaidya g son ~dition du Bodhicarygvat~ra dans laquelle il 6crit: "There is also a Tippan. T called Vi~e.sadyotan~ by Vibhfiticandra, fragments of which are found in the original Sanskrit and in Tanjur (T No. 3880) and they were used by Poussin"? ~ De La Vall6e Poussin donne le d6but de la t.ippanT que j 'ai compar~ avec le d6but de la Vige.sadyotanL Les textes n 'ont rien de commun. Une comparaison du d6but de la t.ippani avec les d6buts d'autres commentaires, conserves en traduction tib6taine, a 6galement livr6 un r~sultat n6gatif.

Ci-dessous je fais suivre le texte sanskrit tel qu'il a 6t6 6dit~ par Hara- prasgd S~stri dans le catalogue des manuscrits sanskrits du gouvernement du Bengale 32 et le texte tiMtain d'apr~s l'6dition de P6kin. A.P. = Amalia Pezzali; H.S. = Harapras~d Sgstri; T. ----- la traduction tib~taine; P = l'6dition de P6kin de la traduction tib6taine. La division en seize sections a 6t6 faite pour faciliter la comparaison des textes. La traduction qui suit est faite d'apr~s le texte tib6tain /t fin de faciliter la comparaison des textes sanskrit et tib6tain. Je tiens /t exprimer mes remerciements au professeur Ojihara Yutaka qui a eu l'amabilit6 de me donner des ren- seignements pr6cieux sur l'6tymologie du mot .r.si (cf. ci-dessous note 28).

29 CL p. 55. 3o Cf. p. 49. 31 Buddhist Sanskri t Texts, No. 12 (Darbhanga, 1960), p. X. 32 Je n'ai pas not6 les consonnes g6min6es apr6s r.

168 J. W. DE JONG

La ldgende de ~antideva

Textes sanskrit et tibdtain

Sanskrit

I. + + + + + + nagare grimafiju- varmanamno r~jna.h putrah, pfirva- jinakrt~dhik~ra .h praptamok.sabhh- giyaku~alamfilah, samyak mah~y~- nagotra.h 1 sarvakal~ku~alo yauva- rgjy~bhi.sekasamaye kuligayo.sinnir- mfi.narapayfi ~ janany~ r~jamahi.sy~ abhitaptodakais tapyamfinas tfipam asaham~na ukta.h /

II. putra traya.h svarga.m na gac- chanti rajg citrakara.h kavir iti / narew p~pa .m k.rtva m.rta- sya nirayagatasya ato 'pi tivrataram du.hkha .mte bhavi.syaty alam anena r~jyena / gaccha vatsa buddha- bodhisattvadegam. 3 grimafijuvajra- dhi.st.hana.m tava bhadra.m 4 bha- vi.syatity III. ata.h sa m~tuv~dew 5 girasi nidhayaku.tilah.rdayo harida~vava- ram abhiruhya calita.h / sa cgneka- dinany ani~a.m gacchan bhojana- p~n~dika .m manasy akurvan tadfi- de~aikat~nam~nasa.h 6 kvacid 7 ara- n.ye kany~ratnam apaw tay~ vajinam, viv.rtygsau s bhuvam ava- tarita.h//

Tib&ain

I. 'di-skad brgyud-pa las thos-te [ lho'i phyogs-su dpal na-ga-ra la mi'i-rgyal-po 'jam-dpal go-cha'i bu-ru skyes / sfion-gyi safis-rgyas la bya-ba byas-pa / thar-pa'i cha- mthun-gyi dge-ba'i rtsa-ba thob-pa / theg-pa chen-po'i rigs yafi-dag-pa /rgyu-rtsal thams-cad la mkhas-pa/ rgyal-tshab-tu dbafi-bskur-ba'i dus- su rdo-rje-rnal-'byor-ma'i sprul-pa / rgyal-po'i btsun-mo chen-mo yum (P. yul)-gyis chu dron-pos khrus- byed-du bcug-pas / de'i drod mi- bzod-pa mthofi-nas / yum-gyis 'di-skad-du smras-te / II. sfiigs-ma'i dus-su rgyal-po by- as-na fion-mofis-pa'i dbafl-gis sems- can sdug-tu (230a) bcug-la//~i-nas dmyal-bar 'di-bas kyafi drag-pa'i sdug-bsfial myofi-bar 'gyur-bas rgyal-srid-kyis dgos-pa med-kyi bu khyod bha .m-ga-la'i yul-du soft / der khyod-la 'jam-pa'i dbyafis-kyis byin-gyis brlob-par 'gyur s / III. de-nas yum-gyi bka' de spyi- bor b~ag-nas / thugs drafi-po rta- mchog ljafi-gu la s g~egs-so / de yafi ~ag du-ma fiin-mtshan med-par 'gro-ste / bza'-btufl la sogs-pa yid-la rni-byed-par de'i-bka' gcig-po la rtse-gcig-par 'gro-ba la / bham. -ga-la'i yul-gyi mtha'-mar nags-tshal-gyi nafi-na bu-mo rin- po-che ~/g mthofl-fio//bu-mo des

LA LI~GENDE DE ~.~NTIDEVA 169

IV. sa t.r.s~rto jala .m dr.s.tv~ p~tttm udyata.h / tay~ vi.sodakam etad ity uktv~ niv~ry~nyad am.rtodaka.m p~yito ma.msafi c~gnin~ dagdhv~ bhojita.h /

V. svastha.h sa tam ~ha / kutas tvam ~gat~siti / sg prhha / ihgvaste sa mah~karun.~run.avipan.a.h 9 sad- gu .naga .n~bhara .na.h siddha~rimafi- juvajrasam~dhir asmadguru .h tatsa- k~gad aham ~gat~smity ukto lab- dharatna ira du.hkhito 1~ jana.h paramapramodapr~pta .h

VI. tam eva dar~ayety uktv~ tay~- drto 11 gho.takam ~d~ya gato guru- gun. aga .n~dharadhiragambhira .m ~2 ~amadamathaprgpta .m gurum ~lo- kya turatigamam ~tm~nafi ca na- maskrtya gurave nityg[ni]tya 13 du- rantabhavadu .hkh~bdher upade~a- d~nena m~.m ... ty adhis.tav~n

VII. tena ca paripg.tikram~d 14 upa- di.s.to dv~dagavar.s~s tatraiva sam~- dharya 15 mafijuvajram adhyak.si- krtya mafijugrijfi~na.m labdhv~ gaccha madhyade~am iti guru.ng sam~di.s.to gatv~ magadhargj~na .m sevate sma / rgututvena 16 acalase- nangm~ devad~rukhad.gena ko.sa- gatena rgutucaryaya.h 17 dharm~rg-

rta bzufi-nas de rta-las babs-so// IV. de ni ~in-tu skom-pas mdun-du chu mthoti-nas btuti-bar brtsams- so // bu-mos 'di ni dug-gi chu yin-pas ma-'thufi-s ces smras-na / de-las bzlog-te bdud-rtsi'i r 'thuti-du bcug-pa daft / ~a bsregs- nas za-ru bcug-pas / V. tshim-par gyur la bu-mo la smras-te / khyed gati-nas 'otis s162 // des smras-pa / nags-tshal chen-po 'di'i dbus-su yon-tan dam- pa'i tshogs-kyis brgyan-pa / thugs- rje-can dpal-'jam-pa'i rdo-rje titi- tie-'dzin sgrub-pa bdag-gi bla-ma b~ugs-te / de-nas 'otis ~es-so//de thos-pa tsam-gyis bkren-pas rin- po-che thob-pa ltar dga'-bde chen- pos dbugs-phyuti-nas VI. smras-te / kye de bdag-la ston-cig / bu-mos de 'bod-pa rta bzuti-ste g~egs-par gyur-to / der phyin-pas ~in-tu zab-pa'i thugs dafl-ldan-~iti/fl lus-tiag ~i-ba gser- gyi ri lta-bu bla-ma'i mchog mthofi-nas / bdag-fiid dati rta- -mchog phul-nas gus-pas bla-ma de-la phyag-byas-te / 'jam-pa'i dbyatis-kyi titi-fle-'dzin-gyis (230b) gdams-pas bdag rjes-su 'dzin-par 'tshal-to//~es gsol-to// VII. bla-mas yati de yofis-su smin- par mdzad-pa'i rim-pas gdams-par mdzad-do // des ni Io bcu-gfiis der bs titi-fie-'dzin-gyis 'jam-pa'i dbyatis mtion-sum-du mdzad-cifi// de-rjes bla-mas yul-dbus-su 'gro- bar bka'-stsal-pas sofi-ste / ma-ga- dha'i rgyal-po sten (P.rten)-cifi ~iti-gi ral-gri ~ubs dafi-bcas-pa

170

mo as viharati sma /

VIII. k~l~ntaren, a tatsampattim asaham~nair anyai rautvai rhj~na .m vijfiapya deva devadSrukha.dgena acalasya seveti yuddhak~le katham asau yudhyeta / tad deva nirfipay~- sya khad.gam iti adh.rs.yo 19 ' sauna ~akyate niyoktum itir.sy~alyacitta- [pi] .dyam~namarmabhis tair militvfi sarve.s~.m kha.dgo dra.st.avya iti r~j~jfiay~ vy~jena sarve.sS.m kara- v~lam aloky~calasenasya nistri.m- ~adar~anam upajhta .m /

IX. acalasena ghana me khadgo dra.s.tu .m yujyate tridh~ nivgran, e 'pi ni~calfit 2~ n.rpatem. ~1 cak.sur eka.m pidhfiya tam eva pagyefi vijane dar- gite tatkha.dgajvglayg ~ rajfiag cak- .sur eka.m bhgmau patita .m / pra- bh~vadargan~d ~varjita.m n.rpa.m vicintya . . . . . . pragasta~ilake ni- k.sipya (.9) nirva 'rth~k.rtya '3 ~ring- land~mah~,vih~ra .m gatv~ veggnta- re.na pravrajita.h /

X. ggnfidevanama pra~ntatv~t pit.akatraya .m grutvg dhy~yati sma / bhuSjfino 'pi prabh~svara .m 24 supto 'pi kut.i .m gato 'pi tad eveti bhfisu- kusam~dhisam~pannatv~t bhfisu- kun~m~khygta .m /

J. W. DE JONG

bzufl-pas rta-pa'i tshul mi-g.yo- ba'i-sde ies-pa'i mifl-can rgyal-pos bkur-ba spyod-pa de-fiid-kyis chos kho-na yid-la byed-cifl b~.ugs-so// VIII. dus glan-s rta-pa g~an- rnams-kyis de'i phun-sum-tshogs- pa mi-bzod(P.bzad)-pas rgyal-po la smras-te / mi-g.yo-ba'i-sde 'di ni ~ifi-gi ral-gris khyed bsten(P.brten)- pas 'khrug-pa'i dus-su dgra-la ji- ltar rdeg-par 'gyur // de-bas-na de'i ral-gri blta-bar 'tshal / de-ltar yin-yafi drafl-por smra mi nus-pas rta-pa thams-cad-kyi ral-gri blta- bar bya'o // ~es rgyal-pos bka'- stsal-pas kha-cig-gi (P.gis) ral-gri bltas-nas / mi-g.yo-ba'i-sde la yafl ral-gri blta'o ~es bka'-stsal-to// IX. des gsufis-pa / bdag-gi ral-gri khyed-kyis blta-bar mi 'os ~es-so// rgyal-pos nan-tan-gyis yafi-dafi- yafl-du ~us-pas mi-g.yo-ba na-re cis-kyafl mthofl-bar 'dod-na phyogs dben-par khyed-rafl kho-na lag-pas mig gcig bkab-ste / blta-bar gyis-~ig de bltas-pas ral-gri'i gzi-brjid(xyl. bzid)-kyis rgyal-po'i mig ma bkab- pa flos(?) sa-la lhufl-fio//nus-pa de mthofl-nas rgyal-po ~in-tu mos-par 'gyur-bar dgofls la mig-gi bu-gar mig bcug-ste / zug-rfiu meal-par byas-la gtsug-lag-khafi chen-po n~- landar g~egs-la / mi-g.yo-ba'i-sde rab-tu byufl-ste / X. (231a) s dafl-ldan-pas ~i-ba'i 1ha ~es mifl-btags / der sde-snod gsum mfian(P.mfiam)-pa'i rjes-la za-rufl fial-rufi 'chags-rufi rgyun-tu 'od-gsal bsgom-pas bhu-su-ku s tifl-fle-'dzin la gnas-pa'i phyir bhu-

LA LI~GENDE DE ~A.NTIDEVA 171

XI. sa .mghe'pi kglfintaren.a kai~cid b~lai.h kutOhalibhir ~locita .m / kim ayam. kificij jgn~ti na veti 25 nirfipy- atg.m thvat / tatra ca pratyabdam. jyai.s.tham~si ~ guklapak.se .rddhi- pr~tih~ryai .h pfira .naprabh.rtaya .h ~gstr~ p~rvam, nirfikrt~ iti tadanu- khr~ya p~.tha.h kriyate tatraivgya .m nirfipyatgm, ity ayam hdi.st.a .h n~ham. kificij jgngmiti tena puna.h puna- parih~re syadhi.s.ta(?) 2r tair vih~r~d bahi.h p~rvottarasy~m, vistir.n~yhm. dharmag~lgy~m, mah~pan..ditama .n- .dalamadhye sa ca svayam, cintayati sma

XII. pfirvakrta.m s~trasamucca- yam. ~ik.sgsamuccaya.m bodhicary- ~vat~r~khyam. granthatrayam astiti cetasi k.rtvg si .mh~sanagatah prhha kim ~r.sa .m pa.th~mi artMr.sam, v~//

XIII. tatra .r.si.h param~rthajfihna- v~n r.sa gatgv ity atra au.nhdika.h kvi.h ~s .r.sin.~ jinena proktam ~r.sa .m nanu prajfigp~ramithdau subhO- tygdide~itam, katham fir.sam, ity atrocyate yuvar~jgryamaitreye .na//

yad arthavad dharmapadopa- sa .mhitam. tridhgtusa .mkleganivarha .ha .m va- ca.h / bhaved bhavacchfintyanuga .msa- dar~aka .m ~9

su-ku s mift yofts-su grags-so// XI. de-nas dus g~an(P.gs na dge-'dun-gyi naft-du ma-rufts-pa 'ga'-s / 'dis ni dge-'dun-gyi nafi-du bya-ba gaff yafi ma-byas- par sgom-pa ltar gnas-te / ci-~es brtag-dgos s bgros-la / daft-po cho-'phrul-gyi dus-su lo re-re-~ift chos 'don-pa yod-pas / 'di-la 'chol dgos ~es bsams-nas / de-la ~us-te- (P. de) gsufis-pa bdag-gis (P.gi) ci-yaft mi-~es-so//yaft-nas yaft-du bkag-kyaft de-dag-gis ~us-~ift gtsug- lag-khaft-gi phyi-rol gyi dbafi-ldan- gyi phyogs-su sa-phyogs yafts-pa la mchod-pa'i rnam-pa du-ma b~ams- te / skye-bo ma-lus-pa bos-nas seftge'i khri ~in-tu mthon-po b~ams- te spyan-drafis-so // des der b~,ugs- gift bsams-te / XII. mdo-sde kun-las btus-pa daft/ bslab-pa kun-las btus-pa daft / byaft-chub spyod-pa la 'jug-pa s g~uft-gsum bdag-gis byas yod-do// de-la spyod-pa la 'jug-pa gdon-par 'os ~es bsams-nas gsufts-te draft-soft- gis gsufts-pa'am/de'i-rjes las byuft- ba gaft gdon / XIII. don-dam rtog-pa ni draft- soft-fto // des mdzad-pa gsuft-rab- bo/ /de- la brten-nas g~,an-gyi bya- ba de rjes-las byuft-ba'o//'phags- pa byams-pas de gsufis-pa /

gaff@ don-can chos-kyi tshig daft-ldan// khams-gsum fion-mofis dag-par byed-pa'i tshig / ~i-ba'i phan-yon ston-par byed- pa de//

172 J. W. DE JONG

tadvat kramar.sa.m 8~ viparitam anyatha//

XIV. tadak.rs.t.am ary~dyair z~ ar- thar.sa .m subh~ty~dide~an~ tu bha- gavadadhi.st.h~nad ity ado.sa.h a*//

XV. kutflhalat tair ukta.m arthar- s.am eva tavat pa.thyat~m ifi cary~- vatara.m pa.thati sma // tatra ca pat.he /

yad~ na bhavo nabh~vo mate.h santi.st.hate pura.h / tad~nyagatyabhavena nir~lam- ba[ .hi s~ pra~amyati//

ity atra ~loke bhagavan mafijuw pura avirbhQta.h sa ca tenaiva sardha.mm antarik.sagata.h 34 kra- mad antarhita.h//

XVI. tata.h bhadradar~anasam, vi- gnais 35 tallayanavicare pod hukut.y- a.m 86 tatpustakatraya .m sOtrasamuc- cayadi labdhv~ pan..ditair loke pra- c~,fitam /

(d6but du commentaire:) tatra sugatety adiv.rtte.h /

drafi-srorl las byurl de-las bzlog- pa g~an//~es-so//

XIV. des gaff 'chad-par 'gyur-ba le'u (231b) bcu-pa has /

bdag kyafl 'jam-dbyarls bka'- drin-gyis / sa rab-dga'-ba thob bar-du// rab-tu tshe-rabs dran-pa darl / rab-tu 'byufi-ba'arl thob-par ~og //ces-pa de yah rig-par 'gyur-ro /

XV. de-dag-gi rlo-mtshar skyes- nas smras-te / g~an-pa 'don-par s 'tshal ces brjod-pa daft / des kyafi spyod-pa la 'jug-pa 'don-par brtsams-so//

de-la garl-tshe drlos daft drlos- min dag// blo-yi mdun-du mi gnas 'gyur// de-tshe rnam-pa g~an med-par// dmigs-pa reed-par rab-tu s

~es bya-ba 'don-pa'i skabs-su de-la mthorl-lam mfion-du gyur-ba daft / 'phags-pa'jam-dpal mdun-gyi nam- mkha'-la snarl // de'i-rjes-la de- darl-bcas-pa skye-bo-rnams la mi snarl-bar gyur / XVI. de-has de ma-mthofi-bas 'gyod-par gyur-pa'i skye-bo rnams- kyis de'i brafi-kharl-du bltas-pas / mdo-sde kun-las btus-pa la sogs-pa gsum blafis-te ] mkhas-pa rnams kyis sgo-nas 'jig-rten-du gags-par byas-so ]/ (d6but du commentaire:) de-la / bde-g~egs sras-bcas chos-kyi sku dah-bcas//

1 2

Notes affdrentes au texte sanskrit

Lire samyahmahayanagotra.h. Lire kuligayogin~nirman, arftpaya, cf. T.

LA LEOENDE DE ~ANTIDEVA 173

3 T. bhar~galade~am. 4 Lire tatra, cf. T. der. 5 /.,ire matur adeAarv. 6 A.P. lit tada degai ~ et traduit: "l'esprit uniquement tendu vers ce pays"! 7 A.P. kkacid. 8 Lire vidh.rtya~ T. bzuh A.P. traduit: "A cause d'elle il d6tourna son cheval et mit pied h terre". Dans la traduction tib6taine babs-so ne cor- respond pas h avatarita.h mais h avatfr.na.h; probablement le traducteur a modifi6 la construction de la phrase. 9 A.P. traduit: "Ici habite notre maitre, celui qui d6bite de la grande compassion". Le traducteur tib6tain a dfi lire quelque chose comme: iha mah~vana ~ste sa k~ru.nikah.. 10 T. daridro. 11 Je ne comprends pas tr~s bien le mot 'bod-pa 'appeler, inviter' dans le passage tib6tain correspondant. Est-ce que 'bod-pa traduit ahf~to? 12 Seul le mot ga.mbhfra est confirm6 par T. 13 Corruption pour niryatayati ou niryatayitva, Cf. T. phul-nas. 14 T. traduit 'par la m6thode qui fait mfirir' (paripgcana?). Probable- ment une traduction erron6e de parip~.tikrama. 15 A.P. traduit 's6journ6'. Je ne sais pas comment corriger samadharya. 16 T. traduit rautu par rta-pa 'chevalier'. A.P. lit raututvena et traduit: "en qualit6 de rauta". 17 La traduction mot-h-mot du passage tib&ain correspondant est: "respect6 par le roi avec la m~me conduite (tayaiva caryaya?)". 18 A.P. propose de lire: rautacaryaya dharmarato. I1 faut 6videmment garder dharmaramo. 19 A.P. adhra.syo et, en note, lire: adh.r.syo? Le texte imprim6 dans le Descriptive catalogue a adh.r.syo. 20 T. nirbandhat? 21 Lire n.rpate. 22 A.P. tatkha.dgaccalaya et, en note, lire kha.dgacalaya. Le texte impri- m6 darts le Descriptive catalogue a ~ 23 Lire nirvran, fk.rtya? Cf. T. 24 I1 y a probablement une laeune dans le texte, of. T. 25 H.S. et A.P. navetL 26 T. : "au temps des prodiges" (cho-'phrul-gyi dus). Au Tibet cho-'phrul zla-ba "le mois des prodiges" est le premier mois de l'ann6e (cf. G. Tharchin, ed., Yig-bskur rnam-g~ag, Kalimpong, 1956, p. 161). La tradi- tion tib6taine attribue h Tsofl-ldaa-pa l'institution de la f~te de la grande pri~re (smon-lam chen-mo) en 1409. Cette f~te qui a lieu pendant la

174 J . W . DE JONG

premiere quinzaine du premier mois comm6more les miracles faits par le Buddha, cf. George N. Roerich, The Blue Annals, II, Calcutta, 1953, p. 1077; Luciano Petech, I Missionari Italiani nel Tibet e nel Nepal, II, Roma, 1953, p. 262; Albert Grfinwedel, Die Tempel yon Lhasa, Heidelberg, 1919, p. 58; Rudolf Kaschwesky, Das Leben des la~naistischen Heiligen Tsong- khapa Blo-bza~-grags-pa, I, Wiesbaden, 1971, p. 164 et p. 279, n. 36. Selon Claus Vogel le premier mois tib6tain correspond au mois Magha ("On Tibetan Chronology", CA J, IX, 1964, p. 230). Cel/t est confirm6 par le colophon d'une traduction faite par Bu-ston (cf. J. W. de Jong, "Notes

propos des colophons du Kanjur ' , Zentralasiatische Studien, 6, 1972, p. 533, no. 485: cho-'phrul chen-po rta; mong.: qubilTan mag sara). Dans deux des colophons, publi6s par Bacot, se rencontre le mois cho-'phrul zla-ba mais l'6quivalent sanskrit n'y est pas mentionn6 ("Titres et

colophons d'ouvrages non canoniques tib6tains", BEFEO, XLIV, 1954, p. 294, no. 39 et p. 316, lignes 1-2). Dans l'Inde m~me les opinions des bouddhistes sur le d6but de l'ann6e ont beaucoup vari6 (cf. Claus Vogel, "Die Jahreszeiten im Spiegel der altindischen Literatur' , ZDMG, 121, 1971, pp. 296-303). Nous ne savons pas si, au treizi~me si~cle, le "temps des prodiges" 6tait un autre nora pour le "mois des prodiges" et quel mois indien 6tait cens6 correspondre au "temps des prodiges". 27 A.P. puna.h puna[.h] parihare syadhista[.h]. 28 Lire r.si gat~v ity atra au.n~dika.h kin. Note du professeur I)jihara: Lire '(au.n~dika.h) k-in', au lieu de '(...) kvi.h'. Un.. 4.119 (---- 559, d'apr~s la num6rotation de la SK., Un.~diprakara.na): - 'ig-upadh~t k-it' ('in', 4.117 = 557) - sQ. qu'illustre la SK. par 'k.r.si.h / r.si.h / guci.h / lipi.h//' Tattvabodhini: - 'k.r.sa vilekhane, .rs.i gatau, ~uca goke, lipa upadehe, ity~der ig-upadh~d dh~tor in sy~t, sa ca k-it'. M~me remarque chez les lexicographes. Ainsi "Tik~sarvasva" ad Amara 2.7.43a ('r.saya.h satyava- casa.h'): - 'jfi~nasya pgra-gaman~d .r.si.h / ".r.sT gatau" / "ig-upadh~t ki.h" iti ki.h" (sic 6d. Gan.apati S., TSS LI, p. 37) - Lire ici aussi '... k-it" iti k-in', quoique la legon 'ki.h' ressemble bien plus ~ celle de Haraprasad S. 'kvi.h'; ~abdakalpadruma, s.v..r.si: -'.rs.ati prSpnoti sarv~n mantrgn, jfi~nena pagyati sa.ms~ra-p~ra.m vg, iti / .r.s -k "ig-upadh~t k-it" iti u .n~disfltre .na in / k-ic ca / jfi~na-sa .ms~ra-yo.h p~ra-gant~//" Cf. V~caspa- tyam, cit6 par MW (Dictionary, s.v.r.si, init.): '.r.sati jfignena sa .msgra- p~ram'. Etant donn6 la paraphrase de x/.r.s- par pra-x/~p-, ainsi que la mention p~ragamana- ou ~ il paralt bien que les commentateurs indig~nes ont compris '.r.si gatau' (dh. 6.7) comme signifiant "~/.r.s-, au sens de 'mouvement'." De cette marne racine, le mot .rk.sa- est cens6 d6river avec l'u.n. -sa-: U.n. 3.66 sq. ( = 346 sq., SK.), d'abord nt. comme

LA LI~GENDE DE S/~.NTIDEVA 175

synonyme de naks.atra-, puis msc. "ours". 29 Lire bhavec ca yacchanty ~ Cf. RatnagotravibMga V. 18. 30 Lire tad uktam drs.arp. 31 A.P. aryyadvair. 32 Le texte de T. est tout ~t fait diff6rent. La stance cit6e est Bodhicary- ~vatara X.51. 33 Lire nirMamb& Cf. Bodhicaryhvat~rapafijikg, ed. L. de La Vall4e Poussin, p. 417. 34 A.P. sardham mantariksagatah et, en note, lire antarik.sagata.h. 35 Lire tatas tadadardanasa.mvignais? 36 A.P. pot.hukuthyd.m et, en note: pot.hokut.hyd.m pour pothikun..dydm.

Traduction du texte tibdtain

I. Ainsi est racont6 par la tradition. II naquit dans le Sud h Srinagara comme ills du roi Mafiju~rivarman. I1 avait servi les Buddha du pass6 et il avait obtenu des racines de bien conduisant h la lib6ration. II appar- tenait ~t la vraie lign6e du MaMy~na et 6tait expert en tousles arts. Au moment de sa cons6cration comme prince h6ritier, sa m6re, la reine principale, incarnation d'une kuli~ayogini, le fit baigner darts de l'eau chaude. Quand elle vit qu'il ne supportait pas la chaleur, elle lui dit:

II. "Si, ~ l'~poque de la corruption. (kas.gyak~le), tu es roi, tu feras souffrir les ~tres vivants par la force de la passion. Apr6s la mort tu souffriras en enfer des souffrances encore plus terribles que celte (produite par l'eau chaude). Le royaume ne te servira ~t rien. Va au pays Bha .mgala. L~t tu obtiendras la b~n6diction de Mafijugho.sa".

IIL Alors, lui, acceptant respectueusement l'ordre de sa m6re, droit d'esprit, s'en alla, mont6 sur un cheval bai. Jour et nuit, il continua son chemin pendant plusieurs jours sans penser ni ~ la boisson ni h la nourri- ture, l'esprit tout entier r6solu h ex4cuter son ordre. A l'extr6mit6 du pays Bhamgala il vit dans une for6t une belle fille. La fille retint son cheval et il descendit de son cheval.

IV. Extr~mement assoiff6 et voyant de l'eau devant lui il fur sur le point de la boire. La fille lui dit: "C'est de l'eau empoisonn6e. N'en bois pas[" L'en d6tournant, elle lui fit boire de l'eau ambroisique, cuisit de la viande et Fen nourrit.

V. Rassasi6, il dit ~t la fille: "D'oh viens-tu?" Elle r6pondit: "Au milieu de cette grande forat vit mon mMtre; pard d'une masse de qualitfs excellentes et compatissant, il a accompli le samhdhi de Sri Mafijuvajra.

176 J .w. D~ JONa

Je viens de chez lui". Rien qu'en entendant cela il rut r~confort6 par une grande joie comme un pauvre qui a obtenu un joyau.

VI. "Montre-le moi", dit-il et, invit6 (9.) par la fille, il prit son cheval et partit. En arrivant il vit l'excellent maitre ~t resprit tr~s profond et au corps et h la parole apaisrs, semblable ~ une montagne d'or. Faisant l'offrande de soi-m~me et de son cheval excellent, il vrnrra le maitre avec respect. I1 lui dit: "Faites-moi la gr~tce de m'enseigner le sam~dhi de Mafijughos.a".

VII. Le maitre l'instruisit par la mrthode systrmatique. Quand il cut srjourn6 l~t pendant douze arts, par la mrditation il obtint une vision de Mafijugho~a. Ensuite le maitre lui ordonna d'aller au Madhyade~a. I1 y alla et entra au service du roi de Magadha, en qualit6 de chevalier sous le nora d'Acalasena, avec une 6pre en bois pourvue d'un fourreau. Respect6 par le roi, il le servit, l'esprit uniquement occup6 du dharma.

VIII. Apr~s quelque temps les autres chevaliers ne supportant pas sa fortune dirent au roi: "Cet Acalasena vous sert avec une 6pre en bois. En temps de guerre comment pourrait-il frapper les ennemis? Veuillez examiner son 6pre". Puisqu'il ne pouvait pas dire la vrrit6 le roi ordonna d'examiner les 6pres de tous les chevaliers. Ayant examin6 l'rpre de plusieurs, il dit ~ Acalasena: "Je drsire voir ton 6pre".

IX. I1 lui dit: "Mort 6pre ne dolt pas ~tre rue par vous". Quand le roi le demanda avec insistance h plusieurs reprises, Acalasena lui dit: "Si vous d~sirez la voir ~t tout prix, regardez-la dans un endroit solitaire apr~s avoir couvert de la main un ceil." Le roi regarda mais par l'rclat de l 'rpre l'~eil du roi qui n'rtait pas couvert tomba ~t terre. Pensant que le roi 6tait converti par la rue de sa puissance il mit l'~eil dans son trou et il le gurrit de sa souffrance. I1 se rendit au grand vih~ra de N~land~. Acalasena devint religieux.

X. En raison de sa tranquillit6 on lui donna le nom ~ntideva. Ayant 6tout6 les trois pi.taka, il mrditait sur la lumi~re sans interruption en mangeant, en dormant et en marchant. Persistant ainsi dans le sam~dhi appel6 bhusuku, il fur connu sous le nom de Bhusuku.

XI. Apr~s quelque temps un homme tr~s m~chant darts la communaut6 rrflrchit: "Lui, il ne fair rien dans la communaut6 et se comporte comme s'il mrdite. I1 faut examiner ce qu'il sait". I1 pensa: "Chaque annre au temps des prodiges on rrcite le dharma. C'est alors qu'il faut l'examiner". Sur sa demande (de rrciter le dharma) il lui dit: "Je ne sais rien". Bien qu'il refusa b~ plusieurs reprises, ils (continu~rent) ~t demander. Ensuite ils prrpar~rent plusieurs sortes d'offrandes darts un grand espace au nord-est en dehors du vih~ra. Ils convoqu~rent tout le monde et, ayant

LA LI~GENDE DE S*NTIDEVA 177

prrpar6 un sirge de lion 61evr, l'invitrrent (h y prendre place). I1 s'y assit et rrflrchit:

XII. "J'ai compos6 trois livres, appel~ Sfltrasamuccaya, Siks.fsamuc- caya et Bodhicary~vat~ra. I1 convient de rrciter le Bodhicaryfvatfra". I1 dit: "Est-ce queje rrcite ce qui est dit par les .r.si ou ce qtti est venu h la suite de cela?"

XIII. Le .r.si est celui qui comprend le sens supreme. C'est lui qui a compos6 les 6critures sacrfes. Ce qui est fait par d'autres en s'y basant est "ce qui est venu ~t la suite de cela". Le noble Maitreya a dit: "La parole qui est pourvue de sens, qui est en possession des paroles du Dharma, qui purifie les souillures du triple monde et qui montre les avantages de l'apaisement de l'existence, provient des .r.si. Toute autre (parole) en est l 'opposr".

XIV. I1 faut aussi savoir (le vers suivant) du dixi~me chapitre qui sera expliqu6 par lui:

"Puissr-je toujours me rappeler rues naissances et obtenir la sortie du monde jusqu'h ce que, par la gr~ee de Mafijugho.sa, j 'obtienne la Terre Pramudit~".

XV. t~tonnrs, ils dirent: "Nous vous prions de rrciter autre chose". I1 eommenga de r~citer le Bodhicary~vatfra. Quand il rrcita: "Lorsque ni existence ni non-existence ne se prrsentent plus devant l'esprit, alors, n'ayant plus de champ (l'esprit) priv6 de point d'appui s'apaise", le noble Mafijugri apparut dans l'air devant lui dans son champ de vision. Ensuite il disparut avec lui de la vue des hommes.

XVI. Ne le voyant plus, les hommes, pleins de remords, examin~rent sa cellule. Ils en prirent les trois livres, Sfltrasamuccaya, etc., qui furent (ensuite) r@andus dans le monde par les savants.

II est 6vident que les textes sanskrit et tibrtain doivent remonter au m~me texte original. Les diffrrences entre les deux versions dans les sections XIII et XIV sont dries h des additions. Le texte sanskrit a ajout6 une phrase sur l 'rtymologie de .r.si (.r.si gat~v ity atra aun.gdika.h kin) et une rrfrrence h l'enseignement de Subh~ti: nanu prajfi~p~ramitgdau subhf~ty- fdidew .m katham fir.sam "Comment ce qui a 6t6 enseign6 par Subhfiti dans la Prajfgp~ramitg, etc. peut-il atre ar.sa? ''38 Le passage prrcrdent explique qu'ar.sa est ce qui est dit par le .r.si, i.e. lejina. Le texte tiMtain est Mg~rement diffrrent: des mdzad-pa gsufi-rab-bo -= tatk.rtam pravaca- nam. Ensuite le texte tibrtain continue en expliquant qu'arthdr.sa (Tib.

33 MUe Pezzali traduit: "C'est ce qui, n'est-ee pas, a ~tr, au drbut de la Praj'~ap~ramita, montr6 ~t Subh~ti et aux autres. 'Comment est l'ar$a'?".

178 J . W . DE JONG

"ce qui est venu ~t la suite de cela") est ce qui est fair par d'autres en s'y basant: tad~r i tam anyai.h krtam (?). Cette explication se trouve darts la section X W du texte sanskrit: tad~k.r.s.tam ~ry~dyair arthUr.sam (life tad~kLst.arn any~dyair arthUr.sam?). Ensuite le texte sanskrit ajoute: subh~ty ~ ... ado.sa.h alors que la version tib&aine cite une stance du dixi~rne chapitre du Bodhicary~vat~ra. Darts la section XIII VibhOtican- dra, auteur de la 16gende de S~ntideva, cite une stance du Ratnagotravi- bh~ga (V.18). Probablement, il a lu cette stance dans la Bodhicaryavat~- rapafijik~ de Prajfi~karamati (td. L. de La ValiSe Poussin, p. 432.14-17) et non dans le Ratnagotravibh~ga rn~me. Vibh~ticandra ne cite pas la stance suivante du Ratnagotravibh~ga qui explique que pareil h ar.sa est tout ce qui est dit par des gens ~t l'esprit non-distrait en se rtf&ant au Jina comrne le seul maitre et ce qui est conforrne au chernin de l'accurnulation qui fait obtenir la dtlivrance:

yat sy~d avik.siptarnanobhir uktam ~st~rarn ekam. jinarn uddi~adbhi.h mok.s~ptisam, bh~rapath~nukOla .m mOrdhn~ tad apy ~r.sarn iva praticchet.

Le Ratnagotravibh~ga ne fait pas de distinction entre ffr.sa et artMr.sa (Tib. de-rjes las byufi-ba), rnais dit que tout ce qui est d i t en conforrnit6 avec certaines conditions est ar.sam ira. Pour arsa Mile Pezzali renvoie ~t la BodhisattvabhOrni (td. Wogihara p. 385.1734) oi~ le nirv~n.a est dit ~tre ar.sa. Edgerton avait dtj~t rernarqu6 qu'ars.a est ici une corruption pour ftr.sabha. 85 L'tdition de la Bodhisattvabhfirni par Nalinaksha Dutt a, en effet, ars. abha au lieu d'ftrs.a (p. 266.6). Le mot ar.sa se rencontre darts le Mah~y~nasfltrhla.mk~ra (XVIII.31): ar~a~ ca deganadharmo, mais le comrnentaire ne l'explique pas. It se peut tr~s bien que le mot arthar.sa soit corrompu rnais la version tib6taine qui en donne une traduction libre ne perrnet pas de le corriger. On ne retrouve la distinction entre ar.sa et arthar.sa ni chez Bu-ston ni chez T~ran~tha. Le premier parle de ce qui trait connu autrefois (sfiar grags-pa) et ce qui ne l'est pas (rna grags-pa) et le dernier de ce qui existait autrefois (shar byufi-ba) et ce qui ne l'est pas (rna byul~-ba), s~ Pour conclure cette discussion signalons encore que, dans section XV, le texte sanskrit a arthar.sam rnais la version tibttaine g~an-pa =- anyad.

s4 Mlle Pezzali renvoie ~t p. 385, 1.15. s~ Buddhist Hybrid Sanskrit Dictionary, s.v. gtr.sa et ~tr.sabha. s6 Bu-ston, Chos-'byuit, 6d. de Bkra-~is lhun-po f. 127a3 (A.P., p. 6); T~ranatha, 6d. Schiefner, p. 127.8 (A.P., p. 14).

LA Ll~GENDE DE ~,NTIDEVA 179

En dehors du passage sur ~rs.a et arth~rs.a la 16gende de ~n t ideva contient plusieurs ~16ments qui m6riteraient d'etre 6tudi6s pour compren- dre l'origine et le d6veloppement de la l~gende. I1 ne semble gu~re possible d'y d6couvrir un noyau historique qui permettrait de d6terminer off et

quand S~ntideva a v6cu. En ce qui concerne les dates de S~ntideva il y a deux hypotheses. La premiere remonte h Bendall qui s'est servi de l 'ouvrage de T~ran~tha. 37 Bendall conclut que S~nfideva a v6cu au milieu

du VII~me si~cle car, selon T~rangtha, il naquit pendant le r~gne d'un ills du roi Har.sa, nomm6 Sila, qui aurait v6cu pendant 140 ans et qui aurait

r6gn6 presque cent ans. On ne peut pas avoir beaucoup confiance en ce que raconte T~ran~tha car, comme le dit Bendall lui-m~me: "It is true that neither this 'Gila' (if that be his real name) nor any other son of ~rihar.sa is known to either Indian or Chinese records" (pp. III-IV). Ajoutons que, si ~gntideva 6tait n6 pendant le r~gne centenaire d'un ills de Har.sa, il aurait vfcu plus tard qu'au milieu du VII6me si~cle. Bendall

signale aussi que, selon T~ran~tha, g~ntideva a dfi ~tre un contemporain plus jeune de Dharmap~la (p. III, n. 3). Nous sommes assez bien ren- seign6s sur Dharmaphla et Ui Hakuju a marne essays de calculer exacte- ment ses dates (530-561)? s Bendall pensait que Dharmapfila avait v6cu au d6but du VII~me si6cle comme l'avait dit Takakusu29 On volt donc que les renseignements, donn6s par T~rangtha, sont contradictoires. Si

g~ntideva naquit pendant le rbgne du ills de Harsa, il a dfi vivre pendant la deuxi6me moiti6 du VIIbme si6cle ou m~me plus tard. En tant que contemporain de Dharmap~ila il n'a pas pu vivre plus tard que la deuxi~me moiti~ du Virtue si~cle. Signalons encore que Tgran~tha ne semble pas &re bien renseign6 sur Dharmapgla car il le confond avec Dharmap~la de Suvarn.advipa, le mas d'Ati~a (982-1054)? o

La deuxi~me hypoth~se a 6t6 avanc6e pour la premiere lois par B. Bhattacharya en 192671 Selon lui, Sgntideva a dfi vivre apr6s le d6part

de l 'Inde d'I-tsing car ni I-tsing ni Hsfian-tsang mentionnent S~ntideva. D'autre part, il a dfi vivre avant le d6part de ~gntirak.sita pour le Tibet car ce dernier cite une stance du Bodhicaryhvat~ra (I. 10) dans un ouvrage,

37 ~ikshhsamuccaya (Bibliotheca Buddhica, I, 1897-1902), Introduction, pp. III-VI. 8s lndo tetsugaku kenkyEt, vol. V (Tokyo, 1929; r6imprim6 en 1965), pp. 128-132. D6j~t, en 1911, No61 Peri avait 6crit que Dharmap~la mourut vraisemblablement aux environs de l'ann6e 560, "Apropos de la date de Vasubandhu", BEFEO, XI (1911), p. 383. 39 Cf. l'introduction ~ sa traduction d'I-tsing, A Record of the Buddhist Religion (Oxford, 1896), p. lviii. 4o Cf. T~ran~tha, trad. A. Schiefner, pp. 161-2. ~1 Cf. sa pr6face ~t l'6dition du Tattvasamgraha (Gaekwad Or. Set., vol. XXX (Baroda,

180 J .w . DE JONG

intitul6 Tattvasiddhi, que le colophon lui attribue. En rectifiant les dates,

menfionn6es par Bhattacharya, Mlle Pezzali conclut que la vie de

gfintideva, ou tout au moins la p6riode productive de sa vie en tant que

maitre bouddhiste, se situe entre 685 et 763. 43 Ce raisonnement serait

irrefutable si la Tattvasiddhi 6tait, en effet, l 'ouvrage de gfintirak.sita

et si, d 'autre part, le fair qu'I-tsing ne mentionne pas gfintideva, signifiait

qu'il n 'a pas pu vivre avant 685. I1 faut attendre la publication de la Tattvasiddhi pour pouvoir v6rifier l 'exactitude de l 'attribution de cet

ouvrage h g~ntirak.sita. En ce qui concerne l'argumentum ex silentio,

inufile de dire qu'il faut le manier avec circonspection. Pour autant queje sache, on n 'a pas encore montr6 que Hsfian-tsang et I-tsing aient men-

tionn6 tous les maitres bouddhistes de qnelque importance qui ont v6cu

pendant ou avant leur s6jour dans l 'Inde.

Bendall avait d6j~ remarqu6 que la date de la traduction tib6taine du gik.s~samuccaya fournit le terminus ad quem. Selon lui, le terminus ad

quem est l 'ann6e 800 (p. V). On arrive presque ~t la m~me date en tenant

compte des dates des traducteurs du Bodhicary~vat~ra. Cet ouvrage

a &6 traduit par Sarvajfiadeva et Dpal-brtsegs d 'un manuscrit provenant

du Kagmir. Ensuite, la traduction a 6t6 corrig6e ~t l 'aide d 'un manuscrit

venant du Madhyadega par Dharmagribhadra, Rin-chen bzafi-po et

~ - k y a blo-gros. Cette traduction fut r6vis6e par Sumatikirti et Blo-ldan

~es-rab? 3 Dpal-brtsegs est un traducteur bien connu. I1 a travaill6 au

d6but du neuvi~me si~cle. I1 est, en outre, un des compilateurs d'une liste

de traductions existant dans le palais de Ldan-kar. 44 Cette liste indique

apr~s chaque titre le hombre total des ~loka composant l 'ouvrage. Mile

Lalou s'est demand6e quel est le sens du mot gloka quand il s'agit d 'ouvra-

ges en prose et en vers ou uniquement en prose. Le m~me probl~me se poserait d'ailleurs si un ouvrage, ~crit en vers, utilisait d 'autres m&res

1926)), p. xxI I I : "The evidence of Tattvasiddhi where ~ntarak.sita quotes a full gloka from the Bodhicaryavafftra once for all settles the question (of Sfmti Deva's date). It proves that ggnti Deva flourished in a period between the departure of I-Tsing from India in 695 and before ~ntarak.sita's first visit to Tibet in A.D. 743." (T. R. V. Mufti, The CentralPhilosophy of Buddhism (London, 1955), p. 100, n. 6). Je cite ce passage d'apr6s l'ouvrage de Mufti ear l'6dition du Tattvasa~graha n'est pas ~t ma disposition. ~2 Kanakura que Mile Pezzali ne mentionne pas arrive ~ une conclusion semblable. Selon lui Shntideva naquit dans la deuxi6me moiti6 du VII6me si6cle et exerga son activit6 aux environs de l'ann6e 700 (Kanakura Ensh6, Satoriye no michi (T6ky6, 1957), pp. 232-3). 43 Cf. Friedrich Weller, {)ber den Quellenbezug eines mongolischen Tanjurtextes (Berlin, 1950), p. 88. ~4 Marcelle Lalou, "Les textes bouddhiques au temps du roi Khri-srofl-lde-bean", dA (1953), pp. 313-353. M. Tucci suppose que la liste a 6t6 compil~e en 812, eL G. Tueci, Minor Buddhist Texts, II (Roma, 1958,) pp. 46-8, n. 1.

LA Lt~GENDE DE S.~NTIDEVA 181

que le ~loka. Sans aucun doute, les compilateurs de cette liste ont suivi l'usage indien d'utiliser le ~loka comme unit6 de mesure, le ~loka d6signant un texte contenant 32 syllables qu'il soit 6crit en prose ou en vers. Selon la liste de Dpal-brtsegs, le Bodhicary~vathra contient 600 ~loka et deux bam-po. T~ran~tha mentionne trois recensions du Bodhicary~vat~ra, une recension kagmirienne en plus de 1000 ~loka, une recension orientale en 700 ~loka et une recension du Madhyadega en 1000 gloka. L. de La Vall~e Poussin et Sylvain L6vi ont d6j~t 6tudi6 ce passage de T~ran~tha. ~5

La liste de Dpal-brtsegs leur 6tait inconnue. Le fair que le traducteur m~me du Bodhicary~vathra indique que l'ouvrage ne contient que 700 ~loka n'est pas d6nu6 d'int6r~t. L'ouvrage actuel contient 913 vers en dix chapitres. Selon T~ran~tha, les orientaux supprim~rent les chapitres II et IX. 46 On arrive ainsi ~t un total de 679 vers. Le colophon de la traduction tib6taine dit que Dpal-brtsegs s'est servi d 'un manuscrit kagmirien, mais, d'apr~s T~ran~tha, ce n'est pas la recension kagmirienne mais la recension

orientale qui contient 700 gloka. Bu-ston s'est aussi occup6 de ce probl~me dans un passage de son Chos-'byufi que Mile Pezzali n'a pas signal6: byafi-chub sems-dpa'i spyod-'jug s lhas mdzad-pa rfiog-'gyur / 'di dkar-chag then-too gsum-gar ~u-log drug-brgya bam-po gfiis ~es 'byufi mod-kyi ~u-log stofi-du grags-so // spyod-'jug le'u dgu-pa blo-gros

mi-zad-pas mdzad zer-ba de dab 'di mi-gcig ces smra-ba mafi-yafi sdig- b~ags-kyi le'u logs-su byas ma-byas-kyi khyad-par daft 'gyur sfia-phyi'i

khyad ma-gtogs-pa gcig-par kho-bo smra'o ~7 - "Le Bodhicaryhvat~ra, ~crit par S~ntideva, et traduit par Rfiog (i.e. Blo-ldan ~es-rab, cf. ci-

45 L. de La Vall6e Poussin, "(~ntideva et la composition du Bodhicary~,vat~ra d'apr6s T~ranhtha", Mus~on, XI (1892), p. 68 sq.; "Une version chinoise du B odhicary~vat~ra", Mus~on, n.s. IV (1903), p. 313 sq.; Sylvain L6vi, "Une version chinoise du Bodhicary- ~vat~ra", BEFEO, II (1902), pp. 253-255. 48 Mile Pezzali traduit: "Ils abr6gbrent les chapitres sur la confession et sur la sagesse" (p. 14), mais 'chad-pa ne signifie pas 'abr6ger' mais 'supprimer' (cf. J/ischke: "chad-pa 'to be cut off'). Schiefner traduit: "es fehlt der Abschnitt von dem Sfindenbekenntniss, der Abschnitt yon der Weisheit" (pp. 165-6). d7 I~d. de Lhasa f. 159a2-4. 48 Le catalogue du palais Ldan-dkar (dkar-chag ldan-dkar-ma) doit ~tre un de ces trois grands catalogues. Bu-ston s'y r6f6re dans une 6num6ration de catalogues (cf. Seyfort Ruegg, op. cit., p. 19, n. 2). Le premier catalogue, mentionn6 par Bu-ston, est le catalogue du palais de Ldan-dkar: Pho-brafi stod (xyl. stofi)-thafi ldan-dkar-gyi dkar- chag. Les deux autres catalogues sont probablement le catalogue du monast~re 'Phafl-thafl-ka-med ('phafi-thafi-ka-med-kyi dkar-chag ou dkar-chag 'phafi-thafl-ma) et le catalogue de Mchims-phu pr6s de Bsam-yas (bsam-yas mchims-phu'i dkar-chag). Sur Mchims-phu voir A. Ferrari, Mk'yen brtse's Guide to the Holy Places of Central Tibet (Roma, 1958), p. 115, n. 145. Les catalogues de Ldan-dkar et de 'Phafl-thafi-ka- reed sont aussi mentiorm6s dans le dkar-chag du Kanjur d'Urga, cf. Lokesh Chandra, "A newly discovered Urga Edition of the Tibetan Kanjur", I13, 3 (1959), p. 181.

182 J . w . DE JONG

dessus). I1 est dit dans les trois grands catalogues as qu'il contient 600

gloka et deux bam-po mais c'est un fait bien connu qu'il contient 1000

gloka. I1 y e n a beaucoup qui disent que le neuvi~me chapitre du Bodhi- cary~vat~ra a 6t6 6crit par Blo-gros rni-zad-pa (Ak.sayamati) et qu'il

[l 'ouvrage en 600 vers?] n'est pas identique ~t celui-ci [l 'ouvrage en 1000

vers?], mais je d6clare qu'ils sont identiques, abstraction faite de la diff6- fence (r6sultant) de l'exclusion ou non du chapitre I I et de la diff6rence entre l 'ancienne et la nouvelle traduction. ''49

On a beaucoup discut6 du probl~me que pose l 'attribution d 'un

Sfitrasamuccaya ~ ~n t ideva . ~~ Pour autant que je sache, on n 'a pas

signal6 le fait que, dans la section des ~ s t r a du Mah~y~na, la liste de

Dpal-brtsegs 6num~re au d6but les cinq ouvrages suivants: (655) ~ik.s~sa-

muccaya, (656) Jhtakam~l~, (657) Mdo-sde sna-tshogs-kyi redo btus-pa

(titre sanskrit reconstruit par Mlle Lalou: Vi~vasfitrasamuccaya), (658) S~ltrasamuccaya, (659) Bodhicary~vat~ra. Le Sfitrasamuccaya d6signe

certainement l 'ouvrage que le Tanjur attribue h N~g~rjuna. Tousles deux

sont en cinq bam-po. 5~ Le Mdo-sde sna-tshogs-kyi mdo btus-pa n'existe

plus aujourd'hui et la possibilit6 n'est pas exclue que cet ouvrage soit

identique au S~trasamuccaya que les cornmentateurs indiens du Bodhi-

cary~vat~ra et les historiens tib6tains attribuent h ~n t ideva .

La monographie que Mile Pezzali a consacr6e ~t ~ n t i d e v a ne nous aide

gu~re h avoir une id6e exacte des recherches faites jusqu'alors. 52 S~nfideva

est un des plus grands 6crivains de l ' Inde bouddhique. I1 y a encore

beaucoup de probl~mes /t r6soudre en ce qui concerne sa vie et ses

ouvrages et il faut esp6rer que la d6couverte de donn6es nouvelles aideront

/t dissiper des obscurit6s qui sont encore plus 6paisses qu 'on ne le suppose

g6n6ralement.

49 Kanakura cite le d6but de ce passage, op. cit., p. 238, n. 6. ~0 Aux indications bibliographiques, donn6es par Mile Pezzali (pp. 80-87) il faut ajouter: Sasaki K6ken, "~ik.sasamuccaya, Sfitrasamuccaya no kankei ni tsuite", Indogaku Bukky6gaku kenkyfi, XIV (1965), pp. 180-3; Ichishima Masao, "Sfitra- samuccaya no sakusha ni tsuite", id., XVI (1968), pp. 844-6; "Sfitra-samuccaya ni tsuite", Tendai gakuh6, 8 (1967), pp. 49-53; "Sfitra-samuccaya no bonbun danpen", id., 14 (1972), pp. 165-169. ~1 Cf. Marcelle Lalou, op. cit., p. 335; P. Cordier, Catalogue, III p. 323: Mdo.'grel XXX.29. ~2 I1 parait superflu de signaler toutes les fautes et erreurs commises par Mile Pezzali mais il faut, au moins, signaler que la traduction mongole est indubitablement bas6e sur la version tib6taine. Selon Mile Pezzali, M. Weller insiste sur rimpossibilit6 de pr6ciser actuellement si la version mongole est bas6e sur la version tib6taine ou roriginal sanscrit (p. 59). Citons M. Weller lui-m6me: "Bediirfte es dieses Beweises noch, dass Mo [i.e. la traduction mongole] aus dem Tibetischen iibersetzt wurde, dann w/ire er aus den beiden eben angestellten Betrachtungen schliissig abzuleiten" (op. cit., p. 2).