histiocytose langerhansienne

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Histiocytose langerhansienne Langerhans cell histiocytosis L. Ben Slama a * ,b , B. Ruhin a , A. Zoghbani c a Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, ho ˆpital Adulte de la Pitie ´-Salpe ˆtrie `re, universite ´ Pierre-et-Marie-Curie Paris-6, 47-83, boulevard de l’Ho ˆpital, 75651 Paris cedex 13, France b Ho ˆpital ame ´ricain de Paris, 63, boulevard Victor-Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine, France c Ho ˆpital Farhat Hached, Sousse, Tunisie Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction L’histiocytose langerhansienne (HL) [1] est une pathologie rare d’e ´tiologie inconnue. Elle est due a ` une prolife ´ration anormale de cellules de Langerhans dans diffe ´rents tissus et organes (os, peau, ganglions...) [2]. Les histiocytoses langerhansiennes ont des expressions clini- ques diffe ´rentes en fonction de leur extension. Trois syndro- mes caracte ´risent les variantes d’un seul et me ˆme processus pathoge ´nique : le granulome e ´osinophile, la maladie de Hand- Schu ¨ller-Christian et la maladie d’Abt-Letterer-Siwe. L’HL peut survenir a ` tout a ˆge mais atteint pre ´fe ´rentiellement les enfants et les jeunes adultes. N’importe quel os peut e ˆtre concerne ´. Aux ma ˆchoires, c’est la mandibule qui est le plus souvent atteinte [3]. Le granulome e ´osinophile Le granulome e ´osinophile est la forme la plus commune de l’HL, osseuse et pulmonaire. Il inte ´resse l’adolescent et l’adulte jeune avant 40 ans [4]. Il est plus fre ´quent chez l’homme. Ubiquitaire, il sie `ge principalement au cra ˆne, co ˆtes, bassin, rachis, omoplate et os longs. Dix pour cent des gra- nulomes e ´osinophiles sont maxillofaciaux. La mandibule est atteinte deux a ` trois fois plus souvent que le maxillaire [5]. Les foyers tumoraux peuvent e ˆtre uniques ou multiples. Cliniquement, la le ´sion se manifeste par des douleurs, une tume ´faction, parfois ulce ´re ´e, rarement par des fractures spon- tane ´es. L’examen endobuccal peut mettre en e ´vidence des ulce ´rations gingivales, une mobilite ´ dentaire anormale d’une ou plusieurs dents saines (voire par leur luxation spontane ´e), une lenteur de cicatrisation apre `s avulsion dentaire [6]. Les signes radiologiques sont caracte ´rise ´s par des foyers d’oste ´olyse de forme ronde ou ovalaire, de tonalite ´ homoge `ne, Summary Langerhans cell histiocytosis (ex histiocytosis X) is usually present in children. It is a clonal proliferation of non-functional Langerhans’s cells. Histological aspects are variable. The diagnosis is made in immunolabeling by anti-CD1a. Clinical presentations are variable, depending on their extension. Three syndromes are actually the same pathogenic process: eosinophilic granuloma (single or multiple osseous localizations), Hand-Schu ¨ ller-Christian disease (chronic form with bone and visceral dissemination) and Abt-Letterer-Siwe disease (disseminated and acute malignant presentation). ß 2009 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Histiocytosis, Jaws Re ´sume ´ L’histiocytose langerhansienne (ancienne histiocytose X) touche surtout les enfants. C’est une prolife ´ration clonale de cellules a ` phe ´notype langerhansien mais non fonctionnelles. L’aspect histolo- gique e ´ tant variable, le diagnostic repose sur l’immunomarquage par les anticorps anti-CD1a. Les expressions cliniques varient en fonc- tion de l’extension. Trois syndromes sont les variantes d’un seul et me ˆme processus pathoge ´nique : le granulome e ´osinophile (localisa- tion osseuse solitaire ou multiple), la maladie de Hand-Schu ¨ ller- Christian (forme disse ´mine ´e chronique osseuse et visce ´rale) et la maladie d’Abt-Letterer-Siwe (forme disse ´mine ´e et aigue ¨ maligne). ß 2009 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Mots cle ´s : Histiocytose X, Maxillaires * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]. Rec ¸u le : 22 juin 2009 Accepte ´ le : 27 juillet 2009 Disponible en ligne 13 octobre 2009 45 e congre `s de la SFSCMF – Nancy 287 0035-1768/$ - see front matter ß 2009 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.stomax.2009.07.008 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:287-289

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Page 1: Histiocytose langerhansienne

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45e congres de la SFSCMF – Nancy

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Histiocytose langerhansienne

Langerhans cell histiocytosis

L. Ben Slamaa*,b, B. Ruhina, A. Zoghbanic

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Recu le :22 juin 2009Accepte le :27 juillet 2009Disponible en ligne13 octobre 2009

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a Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, hopital Adulte de la Pitie-Salpetriere,

universite Pierre-et-Marie-Curie Paris-6, 47-83, boulevard de l’Hopital, 75651 Paris cedex 13,Franceb Hopital americain de Paris, 63, boulevard Victor-Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine, Francec Hopital Farhat Hached, Sousse, Tunisie

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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SummaryLangerhans cell histiocytosis (ex histiocytosis X) is usually present in

children. It is a clonal proliferation of non-functional Langerhans’s

cells. Histological aspects are variable. The diagnosis is made in

immunolabeling by anti-CD1a. Clinical presentations are variable,

depending on their extension. Three syndromes are actually the same

pathogenic process: eosinophilic granuloma (single or multiple

osseous localizations), Hand-Schuller-Christian disease (chronic

form with bone and visceral dissemination) and Abt-Letterer-Siwe

disease (disseminated and acute malignant presentation).

� 2009 Published by Elsevier Masson SAS.

Keywords: Histiocytosis, Jaws

ResumeL’histiocytose langerhansienne (ancienne histiocytose X) touche

surtout les enfants. C’est une proliferation clonale de cellules a

phenotype langerhansien mais non fonctionnelles. L’aspect histolo-

gique etant variable, le diagnostic repose sur l’immunomarquage par

les anticorps anti-CD1a. Les expressions cliniques varient en fonc-

tion de l’extension. Trois syndromes sont les variantes d’un seul et

meme processus pathogenique : le granulome eosinophile (localisa-

tion osseuse solitaire ou multiple), la maladie de Hand-Schuller-

Christian (forme disseminee chronique osseuse et viscerale) et la

maladie d’Abt-Letterer-Siwe (forme disseminee et aigue maligne).

� 2009 Publie par Elsevier Masson SAS.

Mots cles : Histiocytose X, Maxillaires

Introduction

L’histiocytose langerhansienne (HL) [1] est une pathologie rared’etiologie inconnue. Elle est due a une proliferation anormalede cellules de Langerhans dans differents tissus et organes(os, peau, ganglions. . .) [2].Les histiocytoses langerhansiennes ont des expressions clini-ques differentes en fonction de leur extension. Trois syndro-mes caracterisent les variantes d’un seul et meme processuspathogenique : le granulome eosinophile, la maladie de Hand-Schuller-Christian et la maladie d’Abt-Letterer-Siwe.L’HL peut survenir a tout age mais atteint preferentiellementles enfants et les jeunes adultes. N’importe quel os peut etreconcerne. Aux machoires, c’est la mandibule qui est le plussouvent atteinte [3].

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected].

0035-1768/$ - see front matter � 2009 Publie par Elsevier Masson SAS.10.1016/j.stomax.2009.07.008 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:287-289

Le granulome eosinophile

Le granulome eosinophile est la forme la plus commune del’HL, osseuse et pulmonaire. Il interesse l’adolescent etl’adulte jeune avant 40 ans [4]. Il est plus frequent chezl’homme. Ubiquitaire, il siege principalement au crane, cotes,bassin, rachis, omoplate et os longs. Dix pour cent des gra-nulomes eosinophiles sont maxillofaciaux. La mandibule estatteinte deux a trois fois plus souvent que le maxillaire [5]. Lesfoyers tumoraux peuvent etre uniques ou multiples.Cliniquement, la lesion se manifeste par des douleurs, unetumefaction, parfois ulceree, rarement par des fractures spon-tanees. L’examen endobuccal peut mettre en evidence desulcerations gingivales, une mobilite dentaire anormale d’uneou plusieurs dents saines (voire par leur luxation spontanee),une lenteur de cicatrisation apres avulsion dentaire [6].Les signes radiologiques sont caracterises par des foyersd’osteolyse de forme ronde ou ovalaire, de tonalite homogene,

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Figure 1. Orthopantogramme : granulome eosinophile.

Figure 2. Tomodensitometrie (TDM), coupe transversale.

aux limites tres nettes (fig. 1 et 2). L’osteolyse parodontale etperiapicale se fait d’abord autour de racines dentaires avecdestruction des septas intra-alveolaires donnant des « imagesen panier ». Les dents semblent « suspendues dans le vide ».Une resorption radiculaire est possible. En phase cicatricielle,des foyers d’apposition osseuse peuvent apparaıtre [7].Macroscopiquement, le granulome eosinophile se presentecomme une masse molle, rougeatre, friable et souvent par-semee de cavites liquidiennes et de foyers jaunatres.« Microscopiquement », le granulome inflammatoire presentequatre phases evolutives. La premiere se caracterise par uneproliferation d’histiocytes souvent non eosinophiles, la deu-xieme par des histiocytes dont le cytoplasme est granuloma-teux et eosinophile, la troisieme par leur transformation encellules spumeuses et la quatrieme par la disparition descellules [6].La confusion histologique est frequente avec le granulomeinflammatoire. Les formes devenues chroniques peuvent etrefacilement confondues avec une osteite chronique. L’analysemicroscopique standard ne fait qu’approcher le diagnostic quiest confirme par l’immunohistochimie. Le marquage positif adeux des marqueurs suivants : l’ATPase, la S-100 proteine,l’alfa D-mannosidase ou la binding peanut lectin concoure au

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diagnostic. Il est affirme par le marquage positif au CD1a [2].La decouverte de granules de Birbeck en microscopie electro-nique est pathognomonique [6].La decouverte d’un granulome eosinophile impose des exa-mens complementaires a la recherche d’autres localisations :radiographie ou tomodensitometrie du thorax, radiographiesdu squelette ou scintigraphie osseuse, echographie abdomi-nale et un bilan biologique (hemogramme, bilan hepatique,bilan inflammatoire, osmolarite urinaire) [2,3].Le traitement du granulome eosinophile mandibulaire doits’integrer dans la prise en charge globale de la maladie. Dansles formes unifocales, l’evolution est souvent benigne avecune remission spontanee qui justifie l’abstention therapeu-tique [2,3]. Les lesions symptomatiques, evolutives ou a risquecompte tenu de leur localisation, sont habituellement trai-tees. Le traitement est chirurgical dans les formes osseuseslocalisees (curetage appuye). L’injection intralesionnelle decorticoıdes est une alternative [2,3].Differentes chimiotherapies ont ete proposees pour lesatteintes multifocales, les formes symptomatiques et lesformes evolutives. L’association vinblastine–corticoıdes sembleetre efficace [2]. Le methotrexate a faible dose serait inte-ressant [8].La radiotherapie est de moins en moins utilisee. Elle pourraitgarder une place dans les formes menacant le pronosticfonctionnel (atteinte vertebrale avec compression medullaire)[2]. Les anticorps monoclonaux anti-CD1a sont en cours d’eva-luation [9].L’evolution n’est pas previsible et des transformations mali-gnes sont possible [4]. Il n’y a pas de facteur pronostiquehistologique [3]. Les facteurs de mauvais pronostic sont [2] :� l’age inferieur a deux ans ;� la plurifocalite ;� la rapidite d’evolution ;� l’atteinte du foie ;� de la moelle osseuse ;� de la rate ou des poumons ;� la mauvaise reponse au traitement.L’atteinte mandibulaire n’a pas de valeur pronostique pejo-rative. Cependant certaines complications, comme les fracturespathologiques, sont difficiles a traiter [3].

Maladie de Hand-Schuller-Christian

Elle survient chez l’enfant de plus d’un an [10]. Elle estcaracterisee durant l’enfance par un diabete insipide parlesion post-hypophysaire, une exophtalmie et des lacunescraniennes (granulomes eosinophiles). L’affection peuts’accompagner de geodes mandibulaires avec ulcerationsgingivales et luxations dentaires spontanees. Histologique-ment, le granulome contient de nombreux histiocytes chargesde lipides. La mortalite est de l’ordre de 15 %.

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Histiocytose langerhansienne

Maladie d’Ebt-Letterer-Siwe

Elle survient chez l’enfant de moins de trois ans [11]. Elleresulte de la proliferation d’histiocytes malins dans la cavitemedullaire. Elle s’accompagne de signes generaux severes(fievre), de manifestations cutanees et hematologiques (ane-mie, adenopathies, hepatosplenomegalie). Dans la formesevere, l’osteolyse maxillaire est diffuse. Les lesions buccalescomportent un envahissement gingival diffus responsablede l’expulsion des germes dentaires temporaires et desfollicules des dents permanentes. L’evolution est rapidementfatale.

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